l'Atlantique
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7 janvier, nous voilà partis. A 12h34 TU, départ de Mindelo sous un vent de 20 noeuds et une bonne houle de 2m50 dès la sortie du port. Cesaria Evoria passe en boucle sur la sono, comme pour nous dire que désormais nous ne quitterons jamais vraiment le Cap Vert.... La matinée fut agitée : parce que l'on ne sait jamais quand nous retrouverons nos amis du mouillage et pour éviter les adieux à la va-vite, nous n'avons rien trouvé de mieux que d'organiser un petit dej a bord de Tahoma. Nous voila donc une petite quinzaine à bord alors que les derniers rangements et nettoyages trainent en longueur... A 11h, nous les chassons, il est temps de partir, les pleins d'eau restent à faire et tout ferme à midi ! Nous voilà donc en famille pour quelques jours : cap 268°, 2 100 milles nous séparent de Tobago, notre point de destination, soit 10 à 15 jours de traversée. Tahoma est en très bon état de marche, Fabien lui a fait subir une inspection très serrée et rien n'est à déplorer. Le moral de l'équipage est lui aussi au beau fixe, nous sommes rôdés et cette traversée durera simplement un peu plus longtemps que les autres, voilà tout !! Comme pour tous les premiers jours de nav, le rythme a bord ralentit. Chacun se niche dans sa cabine ou sur les coussins du carré, les uns lisent pendant que les autres roupillent. Fabien veille, Hugo et Sissi sont vasouillards malgré des gouttes anti mal de mer magiques dénichées aux Canaries. Le vent souffle fort, jusqu'à 36 noeuds dans les rafales, nous rentrons la moitié du génois et prenons un puis deux ris. Tahoma fait des pointes à 13 noeuds en surfant sur une houle bien formée, de 4-5 mètres parfois ! La nuit tombe vite, vers 18 h30. Après avoir savouré un délicieux plat de lasagnes confectionné la veille par Hugo (quelle anticipation !!),la ronde des quarts se met en place. Sybil démarre à 20h, puis c'est au tour de Fabien, d'Hugo puis de moi, pour des veilles de 3 heures chacun. Pendant la journée, notre organisation sera un peu différente. Fabien veillera le matin pendant que les filles travailleront sous ma surveillance. L'après midi, Hugo Sybil, Mahault (qui trépigne de ne pas prendre davantage de responsabilités à bord) et moi assurerons des quarts d'une heure et demi chacun pour permettre au capitaine de se reposer. A minuit TU notre compteur affiche 79 milles parcourus, soit une honnête moyenne de 7 noeuds à l'heure, tout va bien !!
Dimanche 8 janvier Comme pour chacune de nos traversées, nous rentrerons vraiment dans le rythme après 3 ou 4 jours. En attendant nous sommes un peu hagards, pas vraiment calés ni dans nos heures de sommeil ni dans nos heures de quart. Cela donne à bord une ambiance assez étrange, chacun vit de son côté et nous ne nous retrouvons que pour déjeuner et dîner ensemble ! Les conditions météo restent assez bonnes, nous naviguons tout de même avec deux ris dans la grand voile, car la houle est encore forte aujourd'hui et que nous voulons voyager agréablement. Le vent oscille entre 20 et 26 noeuds, et nous aurons parcouru 177 milles pour cette première journée complète. Les filles auront tout de même bien avancé dans leur CNED, motivées par la perspective de deux semaines de vacances en Martinique, où elles retrouveront des amis parisiens. Seul vrai temps fort de la journée : nous avons enfin sorti de nos cales un merveilleux jambon Bellota-Bellota acheté aux Canaries et que nous réservions pour la traversée. Notre tableau de pêche se résumant pour l'instant à une moisson de poissons volants échoués dans le cockpit, nous sommes avantageusement consolés !!
Lundi 9 janvier L'Atlantique est un désert. Voilà près de trois jours que nous sommes partis et excepté un paquebot et un voilier lancés comme nous dans l'aventure et croisés à la sortie de la baie de Mindelo, nous n'avons pas rencontré le moindre signe de vie, ni sur l'eau ni dans l'eau. Pas un cargo, pas une loupiotte pendant nos quarts de nuit, c'est le vide intersidéral. Et si je mets de côté les poissons volants kamikases qui décident d'abréger leur existence en terminant leur vol dans notre cockpit, pas d'âme sur le point de rendre l'âme au bout de nos lignes non plus, et ça c'est vraiment vexant... Peut-être allons-nous trop vite ? C'est la théorie d'Hugo qui aimerait bien qu'on ralentisse pour pouvoir garnir nos assiettes ... Nous tenons toujours une honorable moyenne de 7,5 noeuds depuis notre départ, grâce à notre spi que nous avons lancé hier pendant quelques heures, pas trop longtemps car il nous faisait faire route vers ... la Guyane. Le vent souffle toujours assez régulièrement, entre 20 et 25 noeuds, il tend à s'orienter plutôt nord que nord-est, et nous avons parcouru 189 milles hier. L'équipage va bien, le rythme est pris. Sissi m' a tout de même fait la surprise de se réveiller à 5 heures, au moment où je prenais mon quart. Il est vrai que sa cabine est située très à l'avant et que la forte houle qui nous accompagne depuis notre départ bousculait un peu son estomac. Qu'à celà ne tienne, après un petit séjour au dessus d'un seau, elle s'est sentie ragailladie et s'est attelée au CNED, avant d'aller se recoucher, sa journée de travail terminée !! Rien à signaler, le bateau va bien et nous aussi !!
Mardi 10 janvier Quelqu'un a entendu mon message et nous voilà rassurés : non, la mer n'est pas vide ! En témoignent les deux somptueuses et gigantesques daurades coryphènes que nous avons pêchées hier. Cette espèce de poisson voyage en couple et lorsque l'on jette deux lignes à l'eau, on a toutes les chances d'attraper un mâle et sa femelle. Nos deux daurades ayant été pêchées à quelques heures d'intervalle, nous avons fait deux veuves et nous sommes régalés ... Pour le reste, très bonne journée de navigation hier, même si nous espérons tous que la houle qui agite notre bateau et quelques estomacs (de moins en moins cependant) s'atténue. Nous avons parcouru le quart de notre trajet, et accélérons légèrement avec un total de 193 milles parcourus pendant la journée. Les prévisions météo continuent à être bonnes, même si le vent s'oriente davantage nord que nord-est maintenant. Nos heures de sommeil sont désormais calées et nous laissent de longues plages de loisirs. Trop longues parfois : Mahault et Sissi disent qu'elles s'ennuient et qu'elles veulent rentrer à Paris ... Pour elles, j'ai donc concocté pour les prochains jours un programme d'activités soutenu : CNED (on en profite), bricolages divers, jeux de société, cuisine et ... gymnastique, si le temps le permet. En fin de journée, elles ont en effet tendance à faire ce genre de jeux qui exaspèrent les parents : chatouilles, jeu de la barbichette, concours de roulades dans le carré et j'en passe, qui les font beaucoup rire mais finissent toujours mal. Hier le soleil a fait son apparition quelques heures, après 3 jours très nuageux. Les panneaux solaires ont fait leur oeuvre et nous avons donc pu faire fonctionner notre déssalinisateur et donc aussi prendre quelques douches. Ahhh !
Mercredi 11 janvier Les jours se suivent et ne se ressemblent pas ! Voulant profiter des joies du vent arrière, nous avons lancé le spi hier en fin de matinée. Mauvaise idée : le spi s'est enroulé en cocotier autour de l'étai, et il y est toujours à l'heure où je vous écris, malgré nos tentatives pour l'en déloger ! Nous voguons donc maintenant sous grand voile simple, à une bonne cadence toutefois puisque nous avons progressé de 170 milles hier. Nous attendons une petite acalmie pour entraîner notre spi dans une nouvelle valse arrière, peut-être à Tobago seulement ! Léquipage se porte à merveille, les ateliers "comment éviter que les filles aient envie de revoir Paris" ont démarré, Nous sommes en pleine semaine de contrôles du CNED, ambiance très studieuse à bord !! Toujours rien en vue à la surface de l'océan, ni cargo, ni voilier, la VHF est totalement silencieuse depuis 3 jours ! Jeudi 12 janvier Notre cadence est toujours aussi soutenue, nous avons parcouru 182 milles hier et presque franchi le cap des 1 000 milles depuis notre départ (990 pour ceux qui ne suivent pas !!). Le vent est repassé un peu plus à l'est ce qui nous permet d'être au portant et de ne pas trop regretter notre génois, qui aurait probablement été déventé par la grande voile à cette allure. Notre spi est en effet toujours enroulé autour de l'étai comme une guirlande de Noël. La houle est toujours aussi forte et Daniel, notre routeur météo que nous contactons quotidiennement par BLU (radio de très grande portée), nous a informé qu'elle nous accompagnerait probablement encore pour les 4 ou 5 prochains jours. Je ne prends donc pas le risque d'organiser des séances de gymnastique ni sur le roof ni sur les trampolines avant, même si Mahault et Sissi ont grand besoin de se défouler. Elles ont passé hier la plupart de leur temps libre à jouer "à l'écurie" : un harnais de sécurité entre les dents, elles se sont courues après dans le bateau en poussant des cris censés ressembler à des henissements, mettant toutes les cabines à sac pour en faire des box, "chevauchant" les oreillers, couettes et vêtements divers censés servir de paille dans ces dits box. En fin de journée, nous avons craqué et envoyé les chevaux ranger leurs box et prendre une douche... Sinon, comme il faisait encore jour à l'heure habituelle de notre dîner, nous avons décidé de changer d'heure. Nous sommes maintenant à TU moins deux heures, soit votre heure en France moins 3 heures. Arrivés à Tobago, nous devrions avoir 5 à 6 heures de décalage avec vous. Nous pêchons (un thon hier), nous lisons, nous cuisinons, nous feuilletons les guides des antilles (les Grenadines ont l'air pas mal, qui confirme ?), Hugo joue de la guitare et continue à composer, Sybil qui s'était octroyé un premier trimestre assez cool travaille toute la journée et rattrape son retard, la vie suit son cours et tout l'équipage se porte très bien !
Vendredi 13 janvier ahhh! un vendredi 13 ?? Eh bien , comme tous les vendredi 13, il ne s'est rien passé, et tout va très bien !! Bonne progression, nous avons parcouru 183 milles et surtout franchi le cap des 1 000 milles et de la moitié de notre traversée. Il a fait mauvais hier, il a plu à de nombreuses reprises et les filles ont travaillé toute la journée. Comme à Paris, un dimanche d'hiver... Samedi 14 janvier La constance avec laquelle nous avançons est tout de même frappante : 182 milles jeudi, 183 vendredi et ... 184 hier. Notre moyenne est donc tout ce qu'il y a de plus stable, 7, 5 noeuds depuis notre départ. Le cap de la première semaine et des 1 000 premiers milles franchis, nous ne pouvons nous empêcher de nous projeter à Tobago, quelques signes d'impatience commençant même à se faire sentir !!! Les conditions de navigation n'ont pas changé d'un iota depuis notre départ : 20 à 25 noeuds de vent d'est, et toujours cette forte houle qui nous secoue. Hier, pour clôre une semaine très studieuse pendant laquelle Sybil, Mahault et Sissi ont "rendu" une foule de contrôles, nous avons organisé une séance de cinéma. Au programme Forrest Gump et 3 saladiers de pop-corn ...
Dimanche 15 janvier Les milles défilent, 186 pour la journée d'hier, notre moyenne est on ne peut plus stable. Avis à ceux qui rêvent de traverser l'Atlantique. Qu'ils n'aient aucun regret de ne point s'être joints à nous : c'est à périr d'ennui !!! Toutes les journées se ressemblent, la mer est la même depuis 10 jours, le vent est d'une stabilité déconcertante, et pas une manoeuvre, pas un oiseau ni un bateau à l'horizon ne viennent rompre cette monotonie ! On en vient presque à regretter l'émoi suscité par notre pépin de spi, à espérer une petite tempête ou au contraire un gros coup de pétole qui nous permettrait de nous offrir un bain dans l'Atlantique, à 1 000 km de la terre la plus proche, avec 5 000 mètres sous les pieds... (peu de candidats à bord cependant, je crois bien que je serais la seule ...) Heureusement il y a le CNED. Et la crapette, et des bouquins, et des perles à enfiler, et des ciseaux de coiffeur (Fabien, qui en est à sa deuxième coupe, une sur son fils et une sur sa femme, fier de son oeuvre, a tout de même lancé "et si on plaquait tout ? On trouve un coin sympa et on ouvre un salon de coiffure ?" C'est dire si on s'ennuie ! Bon, pour le salon de coiffure, j'ai dit non.)
Lundi 16 janvier Et voilà du changement !! Des conditions climatiques, tout d'abord, puisque le vent a sérieusement molli : 15 à 20 noeuds au lieu des 25 à 30 habituels. Autre changement : notre cadence puisque nous n'avons parcouru "que" 165 milles hier. Tout cela nous a considérablement motivés pour résoudre enfin notre problème de spi, accroché à l'étai comme la bernique sur son rocher... Nos deux hommes du bord ont donc rivalisé de muscles (?) et d'adresse (!!!!!) et ont ... libéré le bougre, sous la ola des 4 femmes du bord. (palpitant feuilleton s'il en est. J'en profite pour découvrir que ola veut dire vague en espagnol et que ce terme est donc particulièrement adapté). Pas échaudés par notre mésaventure, nous avons donc redonné à notre cher spi la place qui lui revenait et l'avons hissé haut, contemplé et félicité pour les 2 nautiques qui 'il nous a fait gagner chaque heure !! On en est là, à nous réjouir pour ces petites avancées, la fin est proche, les esprits se déconcentrent et l'appel du mouillage se fait de plus en plus pressant ...
Mardi 17 janvier Tobago approche ! Il fait de plus en plus chaud, nous avons encore changé d'heure (4 heures nous séparent maintenant), parcouru 169 milles hier et devrions arriver demain jeudi dans la matinée si tout va bien. Après deux jours plus calmes, le vent se renforce un peu et notre routeur météo Daniel a quelque peu calmé notre euphorie en nous annoncant ... des grains en fin de semaine ! L'image d'épinal baie splendide-cocotiers-eau turquoise-sable fin risque d'en prendre un coup. Tant pis, le bateau sera nettoyé (après 2 semaines de nav il en a bien besoin) et nous nous baignerons sous la pluie !!! Mercredi 18 janvier Nous arrivons ! Il est 8 h TU, soit 9 heures en France et 5 heures (ou peut-être 4 à Tobago). La nuit nous empêche d'apercevoir l'île dont nous sommes séparés par une petite trentaine de milles seulement. Le vent s'est très nettement renforcé hier et malgré nos tentatives pour ralentir Tahoma (2 ris dans la grand voile puis le génois seul) pour éviter d'arriver de nuit, nous avons tout de même parcouru 175 milles mercredi. Quelle excitation !! L'heure du bilan viendra un peu plus tard, mais d'ores et déjà nous sommes fiers de notre destrier qui nous aura menés ici sans encombres en un peu moins de 12 jours !!
Arrivée à Tobago. Recto: l'immensité que nous venons de parcourir
Verso : l'île se détache sur un ciel layette splendide
Jeudi 19 janvier Arrivée à Tobago à 10h30 TU, après 11 jours et 22 heures de traversée. La baie est splendide, une végétation exotique et touffue borde la plage devant laquelle nous mouillons, le dépaysement est total. Sitot l'ancre jetee, le capitaine felicite son equipage, flatté, et tout le monde s offre un bon plongeon dans une eau divine (26 degres) vert emeraude et foisonnante de poissons de toutes couleurs et toutes formes. Nous garderons de cette traversee le souvenir de moments exceptionnels passes en famille, de splendides nuits etoilees et de somptueux couchers de soleil, ainsi que ce sentiment parfois vertigineux procure par la mer a perte de vue ...
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