La Havane
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La nav qui nous a menés du Rio Dulce à Cuba fut mythique et pourtant nous la redoutions. Nous avions quitté les vents portants depuis bien longtemps et depuis les San Blas nos navs se passaient plutôt au près, près serré. Mais avec des alizées bien installés, remonter à Cuba supposait du vent pile dans le nez et des bords à tirer au large de la Floride. Le hasard du calendrier nous fit décoller du Rio Dulce juste avant un coup de Nord, fort propice pour nous jugez-en : 600 milles parcourus en à peine plus de 3 jours, avec un vent qui adonnait chaque fois que nous devions changer de cap, et un record de vitesse de 16 noeuds juste avant notre arrivée.
Arrivée à Cuba, on ne plaisante pas avec les formalités, à commencer par nos pavillons hissés dès notre entrée dans les eaux territoriales, juste après que Sissi ait caché dans l'annexe nos délicieuses conserves-non grata... Les chiens n'y ont vu que du feu !!
Arrivés juste avant la nuit, nous espérions que les formalités, annoncées comme draconniennes, seraient écourtées. Que nenni. N'ayant rien à nous reprocher, ou presque (nos conserves de viande, amoureusement préparées, avaient été soigneusement cachées par Sissi pendant notre nav à l'avant de l'annexe), nous avons donc pris notre mal en patience et assisté passivement au spectacle. Une cohorte de fonctionnaires aux allées et venues réglées comme celles d'un balai un peu anarchique ont envahi Tahoma pour s'y livrer à une fouille minutieuse. Contrôle vétérinaire, tout d'abord, effectué par un des medecins de Fidel en blouse blanche, fort sympathique au demeurant. Fouille des placards, inspection des fruits et légumes, investigations dans notre frigidaire. Tout cela avait pour but d'éviter l'importation sur le sol cubain de mauvais microbes capitalistes. Ca c'est pour la version officielle, mais nous nous avons surtout eu le sentiment que le médecin était ravi de nous voler quelques citrons "para mi Cuba libre", nous dit-il et de nous taxer 20 dollars en douce en nous faisant jurer de n'en rien dire à personne... Après ou pendant sa visite, deux maîtres-chien débarquèrent leur toutou en laisse, chargé de sniffer dans tous les recoins à la recherche d'on ne sait toujours précisément quoi, nos questions étant restées sans réponse. Les chiens, drogués probablement, tournoyèrent comme des fous dans le bateau, laissant en souvenir des tonnes de poils dans notre pelle-balayette, complétés quelques jours plus tard par ceux des mêmes chiens faisant les mêmes recherches au moment de nos formalités de départ... Pendant que les chiens tournoyaient et que le medecin tendait la main pour sa propina, nombre de femmes et d'hommes charmants, souriants, volubiles et agréables, vêtus d'uniformes variés dont le sens nous échappait, montaient et descendaient de Tahoma, probablement pour attendre leur tour. Probablement aussi pour trouver le moment propice où, se trouvant seuls avec Fabien ou moi, ils pourraient à leur tour nous demander quelques dollars sous le sceau du secret. Vinrent donc les douaniers, puis l'immigration, bref, une bonne dizaine de personnes en tout pour des formalités qui durèrent environ 3 heures... Et nous fûmes enfin autorisés à mettre un pied sur le sol cubain !
un petit air de ressemblance,n'est-il pas ?
A la marina, notre plus proche voisin est russe, ça ne s'invente pas ! C'est le seul bateau russe que nous ayions vu en près de deux ans
Nous n'avons visité que La Havane, arpentée de long en large pour emporter de cette île le plus d'impressions possible en un court laps de temps. Pendant toute notre découverte, nous avons été très partagés : séduits par la gentillesse et le charme des cubains, charmés par leur gaieté et leur musique, excellente, jouée partout et toute la journée. Mais aussi frappés par le dénuement dans lequel ils sont plongés. Là bas une jeune institutrice gagne 7 dollars par mois, un ouvrier environ 10. Seule solution pour survivre, le système D. Comme nous l'a dit un français travaillant dans le pétrole et obligé de quitter le pays car l'état cubain est totalement asséché et ne peut plus payer ses dettes, "à Cuba, tout est interdit, mais tout est possible". Les cubains multiplient donc les combines en douce et les revenus au noir : vols dans les stocks de nourriture des écoles par les instit, vols dans les fabriques de cigares par leurs ouvriers, racolage par les "jinteros" à l'affut des dollars du tourisme et qui monnaient tous les services rendus, et racolage par les "jinteras" poussées à vendre leurs charmes. On a senti à La Havane, que l'île avait deux visages. L'un souriant, destiné aux touristes et donc trafiqué. C'est celui des hôtels et des restaurants d'état, dont les prix sontproches de leur équivalent en Europe pour une qualité et un service nettement moindre. C'est celui offert par Habana Viejo, dont les monuments sont entretenus,dont les ruelles charmantes laissent imaginer ce que put être Cuba avant l'embargo.
Et puis il y a tout le reste, la ville délabrée, les gens qui tendent la main, les belles américaines et les lada rafistolées qui cotoient les Audi flambant neuves des cubains exilés revenus au pays. Fidel serait toujours vivant, mais chaque fois que son nom fut prononcé, que ce soit par les cubains ou les français avec qui nous en parlions, ce fut dans un murmure, comme si les murs avaient des oreilles. Nous mêmes, à la marina, avions briefé les filles pour qu'elles surveillent leurs propos. Une rumeur court sur les bateaux et prétend que des micros sont installés sur les toits des immeubles qui bordent la marina, et qu'aucune conversation tenue dans nos cockpits n'échappe à ceux qui nous surveillent. Nous n'avons rien remarqué de tel, mais nous étions surveillés, par les gardes ou par la douane le soir où nous avons invité un cubain à prendre un verre. Pour lui nous dûmes organiser un pot sur le quai : selon une loi parait-il fictive, les cubains ont interdiction de monter à bord des bateaux, par crainte qu'ils ne s'embarquent comme passagers clandestins et quittent définitivement l'île. Tous les bateaux sont surveillés, y compris ceux des pêcheurs dont l'embarcation est fouillée de fond en comble à chacune de leurs sorties. Sur le même quai que le nôtre, un superbe catamaran emmène parfois des touristes faire quelques ronds dans l'eau. Le temps de sa sortie, des policiers se plantent devant la maison de son skipper et surveillent activement sa femme et ses enfants jusqu'à son retour, pour lui ôter toute envie de prendre la poudre d'escampette.
Malheureusement, un texto reçu au moment où nous approchions de la marina Hemingway (tiens, les portables passent à Cuba?) nous avait appris que la date du TPE de Sybil était fixée au 14 mars. Branle-bas de combat, nous étions partis à la chasse aux billets d'avion à peine le pied posé sur le sol cubain. Chasse qui s'apparenta à un parcours du combattant : à l'aéroport aucune compagnie ne pouvait emmener Sybil avant le 15 mars et consulter internet à Cuba est assez difficile. Son usage est interdit aux cubains, les points internet sont donc quasi inexistants et il a fallu montrer patte blanche dans un resort luxueux et laisser notre passeport en gage pour y avoir accès. Billet fut pris, de Miami, ce qui nous laissa à peine quelques petits jours pour profiter des lieux. En cinq jours nous n'avons malheureusement pu avoir qu'une vision très partielle des choses et si La Havane, splendide, nous a charmés, nous avons aussi senti que Cuba part à l'abandon et que ses habitants mènent une vie précaire qui pourtant ne leur ôte pas le sourire...
Musée de la révolution. Petit bain de propagande pour nous tous, qui s'est achevé par la découverte du “rincon de los cretinos”, le coin des crétins, avec des caricatures de Reagan, Bush père et Batista
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